Elle tue, elle pille, elle assassine ! Annulons, annulons, annulons la dette !

Publié le par FATHI CHAMKHI

L’idéologie dominante justifie le recours aux emprunts extérieurs de la part des pays dits ‘en développement en se fondant sur deux arguments essentiels :

 

1.       Ces pays ont des déficits structurels (faiblesse de l’épargne + déficit commercial). Autrement dit, ils manquent d’argent de manière permanente.

 

2.       Pour pallier ces déficits et pour financer leurs efforts de développement, ces pays sont obligés de faire appel aux emprunts extérieurs.

 

Or les expériences concrètes de l’ensemble de ces pays, au cours des cinquante dernières années, démontrent ce qui suit :

 

1.       Après avoir appliqué les bons conseils des experts des institutions financières internationales, la quasi-totalité des pays du Sud n’ont pas réalisé le développement tant attendu.

 

2.       Loin d’assurer un financement extérieur aux pays en développement, le mécanisme de la dette a transformé l’écrasante majorité de ces pays en bailleur de fonds vis-à-vis des pays du Nord ; les pauvres financent les riches !

 

En conséquence, bon nombre de pays du Sud sont devenus des ‘pays pauvres très endettés’.

 

En ce qui concerne la Tunisie, le mécanisme de la dette reproduit ce même schéma, donc non seulement il ne procure pas un financement, comme l’affirme les idées reçues, mais l’oblige à payer de faire des coupes franches dans son budget pour financer les créanciers du Nord. En fait, ce qui est juste de dire dans ce cas c’est : ‘celui qui paye ses dettes s’appauvrit’.

 

Par ailleurs, nous ne pouvons pas parler de la dette publique extérieure de la Tunisie tout en faisant abstraction d’une donnée fondamentale qui est la dictature qui régnait dans notre chère Tunisie, au cours des 23 dernières années.

 

Autrement dit, tous les emprunts contractés au cours de cette période l’ont été par un dictateur. Cela pose une question essentielle qui est de savoir :

 

-           Dans quelle mesure ces emprunts ont été contractés selon la volonté et les intérêts du peuple tunisien qu’expriment des institutions démocratiques, notamment, une chambre de députés et un président de la république élus démocratiquement ?

 

-           Le peuple tunisien a-t-il réellement bénéficié de ces emprunts, ou bien dans quelle mesure ?

 

-           Les prêteurs internationaux savaient-ils ou bien devaient-ils savoir la vraie nature du régime, et par conséquent sont-ils complices, explicitement ou implicitement, avec un pouvoir dictatorial, et par nature illégitime et en opposition avec les conventions et les traites internationaux, notamment ceux des droits démocratiques ?

 

Nul ne conteste aujourd’hui la nature dictatoriale du pouvoir de Ben Ali. Ce qui permet de poser la question de la dette de la Tunisie selon le point de vue de la ‘dette odieuse’. Autrement dit, les dettes qui ont été contractées par Ben Ali contre les intérêts des tunisiennes et des tunisiens sont juridiquement frappées de nullité ; elles sont nulles en non avenues.

 

En effet, dans la jurisprudence internationale il est dit que Si un dictateur contracte une dette qui ne sert pas les intérêts du peuple, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, pour son enrichissement personnelle et celui de sa famille, cette dette est odieuse, et n'est pas obligatoire pour la nation.

 

La dette odieuse est en fait une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l'a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir.

 

De plus, en avril 2003, les Etats-Unis ont demandé à la Russie, la France et l'Allemagne d'annuler les dettes odieuses dont l'Irak était redevable. En se basant sur la définition de cette dette qui a été formulée en 1923 par Taft (président de la Cour suprême des Etats-Unis) en sa qualité de président de la Cour d'arbitrage internationale. Les américains avaient alors affirmé que les dettes contractées par le dictateur Saddam Hussein étaient frappées de nullité.

 

La américains ont finalement obtenu gain de cause au sein du Club de Paris qui a annulé 80 % de la dette, sans toutefois faire référence à la notion de dette odieuse, afin d’éviter que d'autres pays réclament l'annulation de leurs dettes en invoquant le même motif.

 

Nous voulons une Tunisie libérée de la dette odieuse de Ben Ali, une Tunisie sans dette, et on nous répond il faut que la Tunisie s’endette davantage !

 

Par ailleurs, et je vais essayer d’être bref, avons-nous jamais posé la question des réparations du pillage de nos ressources au cours de la période coloniale, sans parler des réparations des crimes subis par le peuple tunisien sous le régime colonial ? Cette interrogation peut sembler invraisemblable à certains d’entre nous, en fait demander réparation est tout à fait légitime.

 

Je terminerai par citer une chose en rapport avec cette question des réparations et que peu de gens connaissent car passer sous silence.

 

Il s’agit de 500 000 hectares, presque la totalité des meilleures terres agricoles, qui ont été accaparé par les colons sous couvert du régime colonial. Après 1956, la réappropriation de ces terres s’est posée. Comment elle a été réglée ? Eh bien, l’Etat tunisien était obligé de contracter des dettes, auprès de la France, pour racheter ses propres terres !!! Non seulement la Tunisie n’a pas été dédommagée après une confiscation et une exploitation illégitime de ses terres, mais en plus elle a été contrainte de s’endetter pour les racheter à la fin de la colonisation !!

 

Enfin, voici un rappel rapide de quelques arguments que nous apportons afin d’alimenter le débat sur la dette de la Tunisie.

 

1-Argument juridique :

 

La dette contractée par le régime de Ben Ali répond parfaitement à la qualification juridique de dette «odieuse». Selon cette doctrine de droit international : «Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l'État entier (…). Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation ; c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir ».

 

Les créanciers ne peuvent pas prétendre qu'ils ignoraient la nature dictatoriale du régime. Les scores obtenus par Ben Ali lors des cinq élections présidentielles vont de 90% à 99,5%, et les différents rapports de diverses organisations de défense des droits de l'homme et des libertés faisant état de violations graves, ne laissent aucun doute. En accordant des prêts à la dictature, les créanciers « ont commis un acte hostile à l’égard du peuple ; ils ne peuvent donc pas compter que la nation affranchie d’un pouvoir despotique assume les dettes « odieuses », qui sont des dettes personnelles de ce pouvoir », selon la doctrine de la dette odieuse. Le gouvernement tunisien est donc en droit de répudier toute la dette contractée par Ben Ali.

 

2-Argument économique :

 

Entre 1990 et 2009, la Tunisie a remboursé 4,36 milliards de dollars de plus que ce qu'elle a reçu en nouveaux prêts sur cette même période. Les créanciers, en plus d'avoir commis un acte hostile à l'égard du peuple tunisien, ont donc été largement remboursés.

 

3-Argument humain/social :

 

En 2009, le service de la dette accaparait l'équivalent de 6 budgets de la santé!

 

Conclusion : Si les États et les institutions créanciers étaient respectueux du droit international et réellement solidaires avec le peuple tunisien, ils annuleraient totalement et sans condition cette dette odieuse, qui pèse lourdement sur les finances de l'Etat. L'annulation de la dette s'impose comme une mesure de justice

 

En attendant, l'UE en tant principal créancier de la Tunisie, doit immédiatement :

 

- suspendre le remboursement de la dette

 

- mener un audit de l'intégralité de la dette tunisienne, afin de révéler la part illégitime, celle qui n'a pas profité à la population.

 

De notre côté, c’est l’association à laquelle j’appartiens (Raid Attac / Cadtm Tunisie), nous menons actuellement une campagne nationale et internationale en vue d’obtenir dans l’immédiat, avant le mois d’avril 2011, la suspension du paiement de la dette qui est déjà programmé.

 

A moyen terme, nous voulons, avec tous les partenaires qui le désirent, mettre en place un audit citoyen de la dette afin de déterminer la part odieuse qu’il faut répudier.

 

Publié dans DETTE

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