Aux origines du colonialisme. La question de la dette en Tunisie
A la fin du XIX° siècle, l'état beylical, alors au bord de la faillite, avait signé avec les puissances européennes, un accord qui déléguait la gestion des finances de l'Etat à une "Commission financière" européenne tripartite (Franco-italo-anglaise en 1869). Cet accord, qui s'ajoutait aux traités inégaux signés par le Bey (avec l’Angleterre en 1863, et avec l'Italie 1868), renforçait la main mise coloniale sur la Tunisie. Qui était devenue, en 1881, une colonie française.
Après l’insurrection populaire de 1864, à la suite doublement de la fiscalité (El mejba de 36 à 72 rials), le régime beylical s’était orienté vers l’endettement pour financier sa trésorerie afin de faire face à un déficit d’environ 20 millions francs.
Cette opération a été réalisée en 1864-1865 par le premier ministre du bey Mustapha Khaznadar qui avait obtenu auprès des grands courtiers français (notamment la banque Rothschild) et italiens un crédit obligataire qui compte 73.568 obligations, avec une valeur de l’obligation de 500 F avec un taux d’intérêt de 35 F pour chaque obligation remboursable sur une période s’étalant sur 15 ans.
A cette occasion la presse française de l’époque publiait dans « la semaine financière » que : « Le bey de Tunis est aujourd’hui sous le protectorat moral de la France, qui a intérêt à favoriser la prospérité du peuple tunisiens puisque cette prospérité est sécurité de plus pour l’Algérie ».
Cette politique d’endettement avait été suivie par le gouvernement beylical, avait stimulé l’appétit des grands courtiers étrangers qui y voyait une opportunité afin de réaliser des supers profits et accumuler de grandes fortunes.
A cet effet, ils avaient obligé le ministre Khaznadar de leur accorder des concessions pour garantir le remboursement de leurs dettes, on peut citer, à titre d’exemple, la faveur accordée au courtier Erlanger qui avait bénéficié de la totalité des taxes douanières et de la récolte des olives et de la rente de l’usine de Tebourba en guise de de garantie des créances.
Bien entendu, les dettes contractées en 1865 n’avaient en rien amélioré la situation financière de l’Etat beylical, par contre elles avaient contribué à approfondir la crise du pays qui était au bord de la banqueroute. En dépit de cette situation, le gouvernement avait de nouveau sollicité auprès des grands spéculateurs, l’octroi de nouveaux crédits hypothécaire, tout en étant dans une situation de faiblesse pour mener des négociations pour permettre la remboursement du service de la dette.
Ce passage des crédits obligataires à des crédits hypothécaires avait préparé le terrain à une prise en main de la régence par les forces étrangère, qui avait précipité, à son tour, la cessation du paiement.
Face à cette situation, le ministre Khaznadar avait décrété de nouveaux impôts afin de résorber une partie du déficit, sans tenir compte des conséquences dévastatrices qu’une telle politique pouvait avoir sur la situation de la population. Les institutions de l’époque, avaient recensé non moins de 5000 personnes décédées dans la capitale, et entre 18 et 20 milles dans toute la régence, suite à la propagation des épidémies qui étaient alimentées par l’appauvrissement général de la population.
En dépit de ces « sacrifices » fiscaux et de leurs conséquences sociales désastreuses, la Tunisie était tombée comme un fruit mûr sous la domination des forces colonialistes, avant de tomber sous la tutelle coloniale de la France en 1881.
Tunis, 2000
Fathi Chamkhi